RDC : Plus de 100 détenus meurent chaque année dans les prisons !
Peut-on dire que les prisons de la République Démocratique du Congo sont des mouroirs ? La question mérite d’être posée au vu des conditions de vie qui y existent.
Tout ceci renvoie à décrier le dysfonctionnement total de l’administration pénitentiaire en RDC.
Voilà qui a poussé l’ONG Gouvernance Plus, la Commission des Droits de l’Homme de l’Assemblée nationale et la Monusco d’organiser ce mardi 11 avril 2023, une conférence-débat avec les ONG de la société civile et les médias autour du thème : » Les grands défis de l’administration pénitentiaire et plaidoyer pour la réforme en RDC ».
Pour aborder le sujet, quatre orateurs sont mis à profit. Le premier c’est Me Désiré Simbi Président du Groupe d’Experts en matière pénitentiaire en RDC. Dans son intervention axé sur un bref aperçu du système pénitentiaire congolais, Me Simbi a relevé les irrégularités ci-après :
Dysfonctionnement dans la chaîne de commandement entre le Secrétariat général à la Justice, la direction des services pénitentiaires et la division provinciale de la Justice dans les provinces,
L’inexistence des inspecteurs provinciaux chargé du pénitentiaire,
Le Chef de division provinciale de la Justice qui s’en charge n’a pas qualité et répond au Secrétaire Général et non au Directeur des services pénitentiaires,
Il y a également la double administration civile et militaire dans les prisons, c’est qui conduit au conflit de compétences…
Ainsi, Me Simbi a plaidé d’abord pour une réforme légale, ensuite pour la création d’une Direction Générale d’Administration Pénitentiaire dotée d’une autonomie administrative et financière.
Cet appel du Président du Groupe d’Experts en matière pénitentiaire de la RDC trouve la réponse dans l’exposé du député national Simon-Pierre Iyananio Moligi invité à démontrer la contribution du Parlement Congolais dans la lutte contre la surpopulation dans les prisons de la RDC.
Partant sur les faits, le professeur Simon-Pierre a fait un constat amer des conditions inconfortables que vivent les détenus de différentes prisons. C’est notamment :
Des détenus sans dossier depuis plusieurs mois, voire des années
75% dossiers sont en instance
Beaucoup de tortures physiques et morales
Malnutrition, insalubrité, bref beaucoup d’abus de droits humains.
A l’entendre, l’Assemblée nationale a voté dernièrement la loi portant principes fondamentaux de l’administration pénitentiaire en RDC. Celle-ci apporte des innovations ci-après :
Instituer un seul organe de l’administration pénitentiaire doté d’une autonomie de gestion,
La mise en place d’une commission de sept personnes chargée de suivi de l’application des peines,
Mettre en place un dispositif de protection des femmes enceintes et des enfants,
Nouvelle catégorisation des prisons ou maison de détention selon le degré,
Intervenant pour sa part sur la problématique de droit à la santé des détenus, le Professeur Bungu Musoy Baudouin a de prime abord révélé tous les instruments juridiques tant nationaux qu’internationaux qui garantissent le droit à la santé des détenus. Il a ensuite évalué le rôle de l’État dans la mise en œuvre de ce droit. » L’État a des prérogatives régaliennes en matière de santé. Et l’action sanitaire dans les milieux pénitentiaires est assurée par l’État » a dit Baudouin Bungu. Et d’ajouter : il s’avère que l’évaluation faite démontre que le système de santé, son organisation et ses moyens dans les prisons posent beaucoup de déficits. D’où l’omniprésence des acteurs non étatiques,les ONG, les agences du Système des Nations Unies, les familles et les églises interviennent dans la prise en charge des détenus. Ainsi, le rôle régalien de l’État est mis en question.
Le professeur Bungu Musoy suggère que pour passer d’une prison mouroir à la prison cadre de vie, il faut mettre en place, un Comité Mixte Santé Carcérale.
De son côté Baudouin Lazumuken Bwalwel, Procureur Général près la Cour d’Appel et Magistrat Inspecteur des Services Juridiques et Pénitentiaires a exposé sur le rôle du Magistrat du Parquet dans la lutte contre la surpopulation dans le milieu carcéral.
Après avoir expliqué que le premier rôle du Magistrat du Parquet, le juge, et l’OPJ est de produire des prisonniers par l’arrestation, il a souligné que celle-ci doit être légale. Et pour contribuer au désengagement des prisons, le magistrat doit éviter le plus possible de détenir pour des faits bénins.
Il doit régulariser rapidement la détention et fixer le dossier devant le juge, il doit également se débarrasser des dossiers en les envoyant le plus tôt possible au juge, il faut également renforcer les capacités techniques du MP pour lui permettre de bien faire le travail, mais aussi le sensibiliser, le former sur les droits des détenus a souligné le PGR Baudouin Lazumuken. Il a proposé également une action conjointe MP, Juge et l’administration pénitentiaire en mettant sur pied les Cellules de détention.
L’objectif de ce débat était d’attirer l’attention du public, de la société civile et des médias en vue de pousser le gouvernement à plus d’actions dans la réforme du système pénitentiaire congolais.
Gustave Tshibumbu ✍️